50 ans de transmissions des forces

UN REGARD SUR LES TRANSMISSIONS       de l’avènement  des réseaux de télécommunications modernes en France aux grands systèmes de transmissions des forces.

Texte mis  à jour le 19 septembre 2013.

 

Ce regard contemporain sur 50 ans de l’arme des Transmissions liés au développement des Télécommunications en France, n’est pas technique. C’est l’histoire au fond de ce que nos grands chefs ont compris des nouvelles technologies. Chaque invention, de la radio à l’Internet fut un choc, ce qui fit dire par l’un d’eux : « A l’avenir, le maître de l’électron l’emportera sur le maître du feu » ! Parce que la communication et l’information touchent au cœur de l’organisation des armées, la « manœuvre des Transmissions » n’est donc qu’une constante adaptation des réseaux aux formes évolutives du combat. C’est pourquoi il est utile de rappeler les  décisions sur le choix des technologies clés qui ont forgé l’arme qui unit les armes, mais dont la valeur ne fut bien établie qu’avec l’importance stratégique reconnue en France aux besoins en services de communications électroniques. Il n’y a que quelque 50 années : du 1er commutateur temporel expérimenté en 1963 au réseau numérique  RITA 1G à faisceaux hertziens en 1983, et aux satellites SYRACUSE III d’aujourd’hui. Désormais, cette jeune arme devra affirmer une réelle compétence dans la numérisation du champ de bataille et dans le renseignement militaire, qui deviennent un enjeu décisif de la doctrine d’emploi des forces armées, à travers le concept américain NCW qui place la notion de réseau (Network) au cœur (Centric) du combat (Warfare).


genralferrier-68x78   L’organisation des Transmissions ne vit le jour qu’en 1942-1945 et, en pleine libération du sol national, elle acquiert le rang d’une arme à part entière, désormais distincte du Génie. Depuis le Général FERRIE qui avait organisé la radiotélégraphie militaire à la veille de la guerre de 1914-1918, la vocation technique y était privilégiée au point de dire : « Si vous n’êtes pas un ancien du génie, un ingénieur de métier, un polytechnicien voire un cyrard sciences, alors que venez-vous faire ici ? ». Certes, en ce début des années 60, le discours à l’ESM avait changé à l’amphi armes par l’appel fait aux élèves de formation linguistique ou littéraire. Il est vrai que la jeune arme comptait alors beaucoup d’officiers des autres armes qui y avaient été mutés, parfois contre leur gré. Ce brassage interarmes perdura en privilégiant les maniements d’arme et les exercices de défilé – grâce aux fusils MAS 36 en dotation – plutôt que les exercices  d’emploi technique des réseaux de manœuvre. Le matériel électronique nécessaire, encore essentiellement d’origine US, faisait d’ailleurs largement défaut. Et il fallut attendre les années 70 pour que des fournées d’officiers diplômés et brevetés techniques – à l’école de l’ingénieur général SABATIER – rivalisent avec le savoir-faire des personnels civils (inspecteurs et contrôleurs) dans l’exploitation des sites infra.

A propos des réseaux  et systèmes modernes

Le grand oubli de l’après-guerre : les télécommunications. Pas de crédits…pas d’industrie française. Le géant américain ITT y est dominant avec ses filiales LMT et CGCT et son laboratoire LCT. Les deux sociétés françaises – la CIT (téléphonie) de la puissante Compagnie Générale d’Electricité et la CSF (radio) – ne fournissent que du matériel construit sous licence. Il faudra plus de vingt ans pour desserrer l’emprise totale d’ITT et avoir la capacité d’intervenir dans la politique industrielle. Ces années 1945-1975 resteront les grandes années de la recherche mondiale dans l’électronique et l’informatique, avec les transistors, la télévision et les faisceaux hertziens en 1950 ; puis dans le spatial en 1960 qui introduisit la société Thomson, et enfin dans la transmission MIC numérique, la commutation temporelle, les fibres optiques et les microprocesseurs accélérant les technologies de l’informatique dans la décennie 70. C’est dire que les besoins de l’arme des Transmissions restaient confinés dans les laboratoires. Les télécoms relevaient alors du monopole de l’État et un ministre des PTT n’avait-il pas hésité à lancer un appel aux maris, en plein mois d’août, pour qu’ils ne téléphonent pas à leurs épouses : une activité aussi effrénée risquait de saturer le réseau !

 

On comprend donc pourquoi, en pleine crise de mai 68, l’armée ne disposa pas de son propre système de transmissions. C’est pourquoi l’Etat lui consentit un effort exceptionnel d’investissement en équipements télécoms d’infrastructure pour se doter lui aussi d’un réseau gouvernemental fiable : il s’est agi alors de s’appuyer sur le réseau militaire RITTER (Réseau d’Infrastructure des Transmissions de l’Armée de Terre) pour le rendre totalement indépendant des infrastructures civiles des PTT, alors défaillantes. Finalement, il fallut attendre que la France lance un grand plan de rattrapage du téléphone en 1974 – avec le choix alors osé du tout numérique en 1977 – pour qu’une industrie française se crée dans l’Electronique civile et militaire. La nationalisation décidée en 1981 allait conduire au rachat d’ITT France et à la création de deux grands industriels CIT-Alcatel (branche civile) et Thomson-CSF (branche militaire).

Par ailleurs, le Chiffre militaire faisait de grands progrès en science de la cryptographie. Quant au renseignement, un nouveau concept porteur d’innovations technologiques – la guerre électronique – était aussitôt exploité pour savoir maîtriser le spectre radioélectrique et l’interception des messages par la formation linguistes d’écoute de nombreux sous-officiers. Depuis 1958, la 785e compagnie de transmissions  en assure la veille technologique.

Aujourd’hui, la cyber-défense constitue une nouvelle priorité stratégique dans la mise en œuvre des moyens technologiques de protection des réseaux et systèmes d’information.

Au-delà de leur technicité, les cadres des Transmissions ont su acquérir, par leur mission technique d’appui auprès du commandement opérationnel des brigades, des divisions et corps d’armée, une formation qualifiante pour réussir dans de nombreux postes d’état-major. Cependant, cette opportunité d’ouverture fut insuffisamment exploitée par une arme disposant de la gestion de ses personnels et privilégiant avant tout ses propres besoins internes en cadres de valeur. C’est que celle-ci jouissait d’une organisation particulière, au regard d’autres armes, avec sa direction centrale et son inspection des Transmissions, sis à Levallois-Perret et à quelque distance de l’état-major de l’armée de terre (EMAT) boulevard Saint-Germain à Paris 7e.

Le plan de rattrapage du téléphone devait s’achever en 1980, dotant la France du réseau numérique le plus performant au monde. Les armées allaient ainsi bénéficier des technologies duales les plus avancées.  Mais, paradoxalement, elles  utilisèrent deux technologies – bien adaptées au besoin militaire – qui amorceront vite leur déclin dans les réseaux civils de transit : les faisceaux hertziens moins performants en capacité que les fibres optiques et les satellites dont le marché porteur s’avérera être  la télédiffusion de chaînes de télévision et non la desserte d’abonnés télécoms nomades,  par manque de clientèle dans le monde et donc de rentabilité.

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